En 2023, le Carré d’Art à Nîmes célébrait ses trente ans d’existence, réminiscence d’une période jubilatoire pour l’art contemporain où le maire Jean Bousquet, épaulé du cancérologue et collectionneur Bob Calle (père de Sophie), imposait comme phare régional l’œuvre de béton, acier et verre de l’architecte Norman Foster. Célébré en grande pompe par son conservateur et directeur, Jean-Marc Prévost, l’anniversaire a été l’occasion de présenter l’une des plus grandes collections d’art contemporain de France et d’entraîner dans son sillage d’autres lieux culturels.
Un an plus tard, bien décidés à ce que l’effervescence artistique ne retombe pas comme un soufflé, les élus de la ville proposent avec leur nouvelle triennale La Contemporaine de Nîmes un projet sur mesure qui a vocation à irriguer une création contemporaine pluridisciplinaire, non seulement dans les musées mais aussi dans l’espace public, en tissant des passerelles entre passé et futur.


Interview

Rencontre avec Keimis Henni, directeur artistique de l’événement, en binôme avec Anna Labouze.

Pour cette première édition, la Contemporaine de Nîmes est placée sous la thématique « Une nouvelle jeunesse », expression aux sens multiples. Comment l’entendez-vous ?
La ville de Nîmes est très connue pour son patrimoine, son histoire, ses traditions taurines mais c’est aussi une place forte pour la création contemporaine (ref notamment à la présence de l’artiste nîmois Claude Viallat. Il est exposé jusqu’au 3 mars 2024 au Carré d’Art – NDLR), même si elle est peut-être moins visible aujourd’hui. L’idée justement de cette triennale est de réactiver cette histoire en ouvrant une fenêtre sur l’émergence artistique et culturelle. Réinvestir le présent sans se couper du passé, questionner les rapports intergénérationnels, parler transmission sont des enjeux actuels qui peuvent être portés par tous.

À seulement 32 ans, comment avez-vous été sélectionnés, avec Anna Labouze, sur ce projet ?
C’est vrai que nous étions les plus jeunes candidats à répondre à cet appel à projets, mais notre proposition artistique a convaincu les élus de la ville de Nîmes. Ils ont également fait confiance à notre expertise professionnelle puisque nous sommes les fondateurs et directeurs d’Artagon, association d’intérêt général dédiée à l’accompagnement de la création émergente (trois lieux à Paris, Marseille et dans le Loiret), nous sommes aussi co-directeurs des Magasins Généraux (93), lieu de programmation artistique et culturelle.

Comment va s’articuler la programmation de l’événement nîmois ?
Elle s’articule autour d’une grande exposition intitulée « La Fleur et la Force » qui se déploie sur douze lieux (musées, espaces publics…). Tous les projets ont été réalisés par des binômes intergénérationnels : les talents émergents ont choisi de travailler avec leur héros, leur mentor ou des artistes qui les inspirent. Cela donne parfois des dialogues posthumes comme celui de Jeanne Vicerial et de Pierre Soulages au Musée du Vieux Nîmes (participation pour l’installation des étudiants en design et métiers d’art du Lycée Ernest Hemingway). Ou des œuvres à quatre mains comme Julie Balthazard et Suzanne Husky à la Chapelle des Jésuites (participation des étudiants de l’école des Beaux-Arts). Nous avons tenu à ce que l’ensemble des projets artistiques soient participatifs. Il n’était pas question d’être hors-sol en invitant des artistes du monde entier sans laisser un héritage. Les Nîmois.es (associations, collèges, habitants des quartiers…) ont été associés à la conception et à la réalisation des œuvres pour poser un nouveau regard sur la ville.

Le parcours de l’exposition est pédestre. Avez-vous prévu d’irriguer des quartiers plus excentrés ?
Oui, c’est d’ailleurs l’un des axes majeurs de la triennale : faire vivre la manifestation un peu partout. Nous avons donc imaginé trois « maisons », sorte de relais et point d’infos dans lesquels vont se dérouler des projets collaboratifs associant habitants et structures socio-éducatives, comme le Spot, par exemple, un lieu bien connu.
Des temps forts seront également dédiés aux arts vivants et performatifs. Artistes, collectifs et compagnies ont été invités à réinterpréter des souvenirs d’enfance. Cela donnera lieu à une boum intergénérationnelle, une kermesse, une sortie au théâtre et même une fugue… avec les élèves du Conservatoire de musique de Nîmes.

La préparation du projet a pris plus d’un an. Comment avez-vous perçu la ville de Nîmes ?
Nous avons été très bien accueillis avec un bel écho des différentes structures impliquées. La Ville attendait un événement fédérateur par le biais d’un regard extérieur. Nous espérons que l’impulsion continuera à s’incarner dans la collaboration des acteurs culturels et éducatifs et que La Contemporaine de Nîmes donnera envie aux jeunes artistes de rester sur le territoire. C’est ce qui s’est passé avec la biennale de Lyon.

Légendes :

1- L’artiste Aïda Bruyère fera partie de la programmation 2024.  Photo d’illustration Aïda Bruyère « I got Heelz, I got Nailz », Les Sheds, Pantin, 2023.
© Max Borderie & Les Sheds. © Aïda Bruyère, ADAGP, Paris, 2024.

2- Feda Wardak fera partie de la programmation 2024. Photo d’illustration « À hauteurs d’eau », Brest, 2023.
© Feda Wardak, ADAGP, Paris, 2024.

3-  Carré d’Art – musée d’art contemporain de Nîmes, une architecture signée Norman Foster.
© Ville de Nîmes

4 – Anna Labouze & Keimis Henni, directeurs artistiques de la 1re Contemporaine de Nîmes.
© Robin Plus.