Difficile de ne pas tomber sous le charme de la galerie ouverte par Géraldine Bouchindhomme, cet automne. Sis au 5, rue Léonard de Vinci, non loin des rues Warhol et Miro – ça ne s’invente pas – le lieu est lumineux, ses murs ondulent, blancs et noirs bleutés, et s’ouvrent par de larges baies sur les rives de la Lironde, une vision de nature luxuriante plutôt inattendue en lisière de ce quartier hyper dense qu’est Port Marianne. L’espace d’exposition fait 140 m2, la terrasse 100 m2, « le tout au pied d’un immeuble absolument magnifique » sourit l’heureuse propriétaire. L’immeuble en question ? Pas n’importe lequel, donc. Il s’agit de La Folie Divine, la première « Folie » parmi les douze projetées sous la mandature de l’ancienne maire Hélène Mandroux (lire encadré), un objet architectural tout en rondeur dessiné par l’architecte Farshid Moussavi.

La maîtresse des lieux s’excuse presque de ne pas être totalement installée. « J’ai envie que les gens puissent prendre le temps d’admirer les œuvres, de faire de cette galerie un lieu d’échange et de création », se projette Géraldine Bouchindhomme. Le « lieu de vie » qu’elle souhaite animer, la galeriste a fait des pieds et des mains pour l’acquérir ; elle fut séduite avant même de l’avoir visité. Mais les obstacles ont été nombreux. Il a fallu déposer un dossier pour obtenir l’agrément de la SERM, la société d’économie mixte en charge de l’aménagement de la métropole de Montpellier. Ce fut chose faite en juin 2021. Il a fallu négocier avec l’ancien propriétaire (le promoteur Les Nouveaux constructeurs) et obtenir « un prêt bancaire conséquent », un coup de pouce paternel a d’ailleurs été nécessaire. Si le compromis est signé en décembre 2021, la signature définitive se fait seulement en juin 2022. Et l’inauguration, en présence de nombreux élus, le 3 septembre dernier. Le signe d’un certain entregent, utile pour ce type d’entreprise ? Non, le dossier a suivi la voie administrative. « C’est tout de même remonté jusqu’au maire », affirme Géraldine Bouchindhomme.

L’accrochage en cours met en avant la dizaine d’artistes*. Originaires de Montpellier, qu’il s’agisse de Karine Detcheverry, Yann Dumoget et Patrice Palacio ou, plus largement, de la région Occitanie comme Hadrien de Corneillan, Francis Guerrier et Frédéric Fau ; des découvertes comme la jeune Bordelaise Marie Guerrier et la Brésilienne Tássia Bianchini qui démarrera une résidence en juillet 2023. Leur point commun ? Des paysages imaginaires ou en devenir, des volumes sensibles, des images déstructurées, comme autant d’intuitions sur la forme et le mouvement, qu’il s’agisse de peinture, de dessin ou de sculpture, entre abstraction et désir de réalité. « Et l’émotion ! ajoute Géraldine Bouchindhomme. Pour moi l’art doit être générateur d’émotion tout en questionnant le réel. »

Immersion dans le milieu de l’art
Ouvrir ce lieu exceptionnel est l’aboutissement d’un cheminement personnel pour la galeriste de 46 ans. Si le dessin, la danse et la musique ont fait partie de sa vie dès son enfance à Carcassonne, ce sont les sciences qui ont guidé les choix d’études de cette passionnée par nature, les maths et de physique plus spécialement. Avant de faire un premier pas de côté. « J’ai choisi d’être professeur des écoles parce que c’était multidisciplinaire, me permettant de transmettre à la fois l’éducation et la culture aux enfants », se confie Géraldine Bouchindhomme. Elle dit avoir exercé ce métier avec conviction, entre Montpellier et Paris. Mais quelque chose lui manque : « J’avais toujours envie de culture. » Vient la rencontre avec celui qui devient son compagnon, le peintre montpelliérain Patrice Palacio. L’art prend alors une place primordiale dans sa vie. À mesure qu’elle est immergée dans ce quotidien artistique, elle en analyse les besoins, en comprend les problématiques, rencontre artistes et collectionneurs. En 2017, après dix-sept ans passés dans l’Education nationale, elle démissionne : « J’ai réalisé que je comprenais très bien le milieu de l’art. En travaillant sur les expositions de Patrice, qui me faisait entièrement confiance, j’ai pris conscience que j’avais un vrai rôle à jouer. » Arrive 2020 et la crise du Covid-19, toutes les expositions s’annulent. L’envie de disposer de sa propre galerie devient entêtante.

Les monochromes de Patrice Palacio
Outre les expositions, la galerie accueillera des master class, des conférences et des stages à travers l’association Les Ateliers de Vinci, reliant ainsi les différentes facettes du parcours de Géraldine Bouchindhomme dans lequel, on l’a vu, la transmission a une place centrale. Sans oublier la mission première d’une galerie : « Promouvoir un artiste, ce n’est pas juste montrer son travail, c’est aussi lui permettre de vendre ses œuvres pour qu’il puisse vivre de son travail. » Chaque artiste devrait avoir droit à son accrochage en solo ou en duo, au rythme audacieux d’une exposition par mois. À commencer bien sûr par Patrice Palacio, en novembre prochain. L’occasion de découvrir ses monochromes Infrablanc qui semblent sans faillir engager un dialogue direct avec les outrenoirs de Soulages.
En cette partie de la ville, la volonté de Géraldine Bouchindhomme est aussi de créer du lien social. Une démarche citoyenne qu’on osera qualifier de bonté divine ? n
galeriebouchindhomme.com

* Les artistes : Karine Detcheverry, Frédéric Fau, Hadrien de Corneillan, Patrice Palacio, Xavier Escribà, Marie Guerrier, Francis Guerrier, Gérard Lucian Ricard, Yann Dumoget, Tássia Bianchini, Vanessa Gilles…

 

Une histoire de Folies

Inauguré en septembre 2017, l’immeuble Folie Divine dessiné par l’architecte britannique d’origine iranienne Farshid Mossavi est la première « Folie architecturale » à sortir de terre. La seconde est L’Arbre blanc, dessiné par le Japonais Sou Fujimoto, et inauguré, lui, l’été 2019 sur les rives du Lez. L’Arbre blanc accueille lui-même en son rez-de-chaussée une galerie d’art contemporain, La Serre. Cela pourrait-il être encore le cas de treize nouvelles « Folies architecturales du XXIe siècle » dont le projet de construction a été relancé par le maire Michaël Delafosse en juillet 2022 ? L’avenir le dira ! Cette vaste ambition architecturale, que M. Delafosse a initiée alors qu’il était adjoint à l’Urbanisme sous la mandature d’Hélène Mandroux, fut interrompue par Philippe Saurel, maire de Montpellier dans l’intervalle, pour des raisons de « viabilité économique ». Un motif qui n’avait guère convaincu, tant la vieille rivalité entre les deux hommes est de notoriété publique.
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