Programmation de logements sociaux en baisse, hausse de la demande des locataires, faible taux de rotation dans les habitations, logements laissés vacants par les propriétaires face au risque de l’impayé… le secteur du logement social a viré au rouge partout en France. En Occitanie, avec 189 000 demandeurs dans l’attente d’une réponse, soit une hausse de 10 % en un an et plus de 62 % en dix ans, et seulement 9 241 autorisations de logements sociaux en 2023, soit un recul de 12 %, le compte n’y est pas.
« Pour une attribution, 9 personnes sont éligibles », rappelait Michel Calvo, adjoint au maire de Montpellier délégué Ville fraternelle et solidaire. « Sur 11 000 logements programmés en Occitanie, 9 200 sont lancés alors que pour amoindrir la crise, il en faudrait 14 000 par an », dénonçait-il encore, pointant également « un besoin de plusieurs milliards pour passer le parc de logement social de F/G à A/B » sur le classement énergétique.
Dans le même temps, Héraut Habitat annonçait avoir réduit depuis 2019 de 50 % ses programmations : de 230 à 130 en 2024. Autres chiffres : le taux de pauvreté dans l’Hérault est de 19,5 % et monte à 28 % sur la Métropole de Montpellier contre une moyenne nationale de 14,5 %. 75 % des locataires du parc privé de la métropole sont d’ailleurs éligibles au logement social, Montpellier étant la 3e métropole, après Nice et Paris, au loyer médian le plus élevé.
C’est dans ce contexte sombre que l’association Habitat et Humanisme Hérault (HH34) lançait un appel à « des propriétaires solidaires » en février dernier. Implantée depuis bientôt trente ans en Occitanie, l’ONG vient en aide aux familles les plus précaires. En 2021, elle a créé une agence immobilière sociale qui lui ouvre la possibilité de sous-louer les logements de propriétaires solidaires ou d’agences partenaires.

Interview

Lyvia Cherqaoua, responsable mobilisation logement Habitat et Humanisme Hérault.

Quel est l’intérêt de ce dispositif pour les propriétaires ?
Outre le fait de participer à une œuvre solidaire, il leur permet de bénéficier d’avantages fiscaux présentés sous forme de réduction d’impôts oscillant entre 20 à 65 % : plus le loyer est bas, plus la réduction est élevée. Les propriétaires intéressés peuvent faire une simulation en ligne sur le site de l’Anah afin de choisir le plafond de loyer conventionné applicable selon plusieurs critères : adresse du logement, superficie, état, étiquette énergétique… Ces exonérations sont très intéressantes d’autant que notre agrément d’intermédiation locatif leur permet de bénéficier d’autres avantages, tels une prime de 1 000 à 4 000 euros versée la première année par l’Anah et la Métropole de Montpellier.

Vous insistez d’ailleurs sur le risque zéro pour les propriétaires…
Oui, complètement, car HH gère le bien et, de fait, sécurise le locatif : pas de risque d’impayés, pas de vacance du bien, une garantie au niveau d’éventuelles détériorations et une gestion de proximité avec des équipes qualifiées. Notre agrément permet en outre de faire profiter le propriétaire d’un cautionnement visale gratuit qui garantit impayés et détérioration locative.

Les prix des logements proposés sont toutefois inférieurs au prix du marché…
Le propriétaire a le choix entre 3 niveaux de loyer (social, très social, intermédiaire) calculés en appliquant une décote par rapport au marché médian du logement sur la commune, soit Loc 1 -15 %, Loc 2 -30 % ou Loc 3 – 45 %.

À tort ou à raison, une part de la population associe le logement social à des problèmes de voisinage. Certains maires d’ailleurs n’en veulent pas et préfèrent payer les pénalités lorsqu’ils sont en dessous du seuil des 25 % de la loi SRU. Comment rassure-t-on un propriétaire, volontaire, qui craint néanmoins de se fâcher avec ses voisins à cause de ce risque éventuel ?
Nous expliquons d’abord aux propriétaires que la sécurisation de ce risque, et des autres, est prise en compte avant même de faire rentrer le locataire dans le logement. Le processus du choix du locataire comprend une évaluation sociale réalisée par une équipe de travailleurs sociaux expérimentée et une commission d’attribution qui tient compte des paramètres du logement pour que celui-ci soit le plus adapté au candidat retenu. Durant une période d’observation d’un mois, nous cernons le projet de vie des personnes pour leur permettre à termes de retrouver leur autonomie. Si, par la suite, des problèmes de voisinage surviennent, le travailleur social qui suit la famille et le gestionnaire locatif adapté se rendent sur place pour faire le point avec le locataire. Nos équipes sont très réactives (lire encadré) et saisissent d’emblée les problématiques.

Quels peuvent être les autres freins à la location de biens ?
Les propriétaires non imposables ne peuvent pas conventionner via le dispositif loc’avantage et les logements meublés ne sont pas pris en compte. Certains logements sont aussi considérés comme passoire thermique.

Avez-vous des leviers d’action sur cette question énergétique du logement ?
Nous avons un rôle clé de conseil et d’orientation auprès des propriétaires privés pour la rénovation de leurs biens (sensibilisation aux nouvelles normes législatives, information sur les aides). Depuis quelques mois, nous faisons partie du dispositif Bail’Renov qui vise à lutter contre la précarité énergétique des locataires les plus modestes. Nous aimerions, à court terme, suivre le modèle de HH Rhône qui accompagne de A à Z les propriétaires. C’est un axe majeur d’évolution. Pour l’heure, nous orientons les propriétaires vers l’Anah qui les accompagne dans leur projet de réhabilitation lourde et leur propose des aides.

Le mouvement HLM et différents acteurs du logement social (fondation Abbé Pierre, Fapil, Fédération des acteurs de la solidarité, HSO… au total 15 organisations) viennent de voter contre la programmation régionale annuelle du logement social et de l’hébergement présentée par les services de l’État, car les propositions ont été jugées trop insuffisantes. C’est une première. Habitat et Humanisme fait-elle partie des 15 organisations ? Si non pourquoi, quel est son positionnement ?
Habitat et Humanisme n’a pas participé à une signature globale, mais a de son côté précisé son opposition aux dispositions des projets de loi par un article de presse et un courrier personnalisé du Président fondateur d’HH à l’adresse du ministère du Logement. Le marché est vraiment sous tension car la demande explose tandis que le nombre de constructions en baisse complexifie encore l’accès au logement. Nous avons mis en place un réseau de partenaires sociaux (CCAS, communauté de communes, centre soin) auquel nous diffusons les offres de logements.

Quels sont vos projets ?
Nous allons continuer à développer le parc en mobilisant de nouveaux logements auprès de propriétaires solidaires. Cette année, nous avons en projet 121 logements.

Habitat et Humanisme ?

En 1985, pour répondre à l’exclusion et l’isolement des personnes en difficulté, Bernard Devert créait l’association Habitat et Humanisme. Son objectif était ambitieux : agir en faveur du logement, de l’insertion et de la recréation de liens sociaux en proposant à des personnes ne pouvant se loger dans le parc privé, des logements à loyer sociaux et très sociaux.
Aujourd’hui, Habitat et Humanisme est présent en France à travers ses 59 associations territoriales, 2 500 salariés et 6 000 bénévoles. En 2023, plus de 1 800 nouvelles familles en difficulté ont pu accéder à un logement et retrouver le chemin de l’insertion. Dans l’Hérault, l’association (130 bénévoles et 25 salariés) a deux antennes, Montpellier et Béziers. Elle propose des logements individuels et collectifs, accompagnant à ce jour près de 300 familles en difficulté, et dispose de deux habitats collectifs (45 logements) : la Villa Savine (Aiguelongue à Montpellier) qui comprend des logements pour familles fragilisées, des studios pour étudiants à faibles revenus et une pension de famille pour les personnes isolées au parcours compliqué, et la pension de familles Les jardins de Bagnols (quartier Four-à-Chaux à Béziers).

Témoignage

Propriétaire d’un appartement dans le quartier Figuerolles à Montpellier, Sophiane Houamria, médecin cardiologue, est entré en contact avec Habitat et Humanisme en 2019, à l’occasion du changement de locataire.

J’avais envie de donner du sens à un investissement locatif acquis en 2013, raconte le médecin engagé dans l’humanitaire. J’ai moi-même grandi dans un logement social pendant trois ans, j’héberge régulièrement des réfugiés via une association, donc la démarche me paraissait évidente, d’autant que mon appartement (T3, 70 m2) est idéal pour une petite famille. Le contrat passé avec Habitat et Humanisme est sécurisant à tous les niveaux : pas de risque d’impayés, pas de vacance, pas de frais d’agence, pas de gestion de petits soucis du quotidien. J’ai d’autres logements dans le parc privé classique (mais qui sont trop petits pour être intégrés dans le parc de HH) et j’ai déjà rencontré des problèmes d’impayés avec des locataires aux revenus pourtant aisés. Là, aucun risque. Pour les travaux d’entretien qui incombent aux propriétaires, HH est très réactif et travaille avec un réseau d’artisans de qualité. Fiscalement, le dispositif est également très intéressant, même s’il est un peu complexe. Je souhaite à l’avenir poursuivre ma collaboration avec HH mais je regrette que l’association ne soit pas plus connue, j’ai vraiment dû faire une démarche proactive pour les trouver. »